lundi, septembre 16

L’essor de la Chine et les intellectuels publics chinois, de David Ownby

Le livre L’essor de la Chine et les intellectuels publics chinois explore comment l’émergence de la Chine influence le rôle et les perceptions des intellectuels chinois. Il examine comment ces intellectuels naviguent entre les exigences de la politique nationale et les attentes internationales, tout en essayant de promouvoir des réformes sociales et politiques.

Depuis plusieurs années, l’historien David Ownby sélectionne et traduit des productions intellectuelles chinoises difficiles d’accès pour le public occidental, puis les consigne sur son site web Reading the China Dream : https://www.readingthechinadream.com/

C’est ce travail qu’il a exposé au Collège de France en juin 2022, dont les conférences sont accessibles sur la chaîne Youtube « Histoire et archéologie – Collège de France« , et qui fait l’objet de ce livre, publié en 2023.

À travers la présentation des principaux courants intellectuels (nouveau confucianisme, libéralisme, nouvelle gauche) et le portrait de figures non dissidentes, David Ownby dresse un panorama du paysage idéologique chinois et des contenus publiés qui permettent d’avoir une certaine compréhension de la deuxième puissance mondiale.

L’ouvrage analyse également la manière dont les intellectuels publics contribuent à la discussion sur l’identité nationale et le rôle de la Chine dans l’arène mondiale. En outre, il met en lumière les tensions entre l’engagement intellectuel indépendant et les contraintes imposées par le régime politique chinois. En somme, le livre offre une vue d’ensemble des dynamiques complexes qui façonnent la pensée critique et les discours publics en Chine contemporaine.

Le livre se concentre à l’analyse du rôle des intellectuels publics chinois, qui s’expriment sur des sujets de société, de politique et d’économie, souvent en lien avec le rôle croissant de la Chine dans le monde.  Certains penseurs oscillent entre critique et soutien. Ils se posent en critiques mesurés du gouvernement, souvent de manière indirecte, en pointant des dysfonctionnements ou des inégalités générées par le système économique et politique chinois. D’autres sont des soutiens du gouvernement, promouvant l’idée d’une « voie chinoise » de développement, qui serait une alternative au modèle occidental.
Tandis que d’autres sont des médiateurs intellectuels et politiques. Ils jouent aussi un rôle de médiateurs entre le pouvoir politique et la population, car ils participent à la diffusion des idées du Parti Communiste Chinois, et à la justification de la montée de la Chine, tout en débattant des réformes à apporter pour améliorer le système.

David Ownby propose une diversité de courants intellectuels représentés en Chine, car contrairement à l’idée reçue, les Chinois ne sont pas tous des férus communistes. Trois courants ressortent de l’ouvrage, les néo-confucianistes, qui se basent sur la tradition confucéenne pour soutenir un modèle de gouvernance basé sur l’harmonie sociale, l’ordre et une certaine hiérarchie, souvent aligné avec les idées du Parti communiste chinois. Il y a les libéraux, qui plaident pour des réformes démocratiques et un plus grand respect des droits de l’homme, souvent inspirés par les idéaux occidentaux. Et enfin, les nationalistes qui promeut la fierté nationale et la centralité de la Chine sur la scène mondiale. Il est souvent en phase avec la rhétorique du PCC, qui utilise le sentiment national pour asseoir son autorité.

Quelque soit le courant intellectuel, les penseurs chinois font face à des défis, ou plutôt contradictions et tensions. Parmi lesquels, le contrôle et la censure, et le rapport à la modernité. Dans le premier cas, certains intellectuels bénéficient d’une certaine visibilité, tout en restant sous la surveillance du gouvernement. La censure et l’autocensure sont des éléments permanents du paysage intellectuel chinois. Dans le second, la question est comment moderniser la Chine tout en préservant son identité culturelle ? Ce dilemme est central dans les débats intellectuels, car ils sont souvent divisés entre l’adoption de modèles occidentaux et la préservation d’un « modèle chinois ».

Enfin, avec l’essor de la Chine, certains intellectuels chinois commencent à influencer les débats au-delà des frontières. Leur discours sur le « modèle chinois », sur les alternatives au néolibéralisme occidental, et sur la multipolarité du monde devient de plus en plus audible sur la scène internationale, notamment en Afrique.

Le livre présente une diversité d’opinions qui s’expriment dans le contexte d’une société menée par le Parti communiste, et les défis auxquels font face ces penseurs dans un pays en pleine transformation. L’ouvrage pose aussi une question fondamentale : quel rôle pour les intellectuels dans un régime où l’expression critique est limitée ?

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