jeudi, août 22

Au Xinjiang, Pékin change les noms des villages

Les autorités chinoises du Xinjiang ont systématiquement changé les noms de plusieurs centaines de villages dans le but d’effacer la culture ouïghoure, selon un rapport publié par Human Rights Watch.

Le document, réalisé en collaboration avec l’organisation norvégienne Uyghur Hjelp, a comparé les noms de 25 000 villages du Xinjiang répertoriés par le Bureau national des statistiques de Chine entre 2009 et 2023.

Selon ABC News, la majorité des changements de nom « semblent banals », mais environ 630 villages du Xinjiang ont vu leur nom modifié pour supprimer les références à l’islam ou à la culture et à l’histoire des Ouïghours, selon le rapport.

Des mots comme « dutar« , un instrument à cordes traditionnel ouïghour, ou « mazar« , un sanctuaire, ont été supprimés des noms de villages et remplacés par des mots tels que « bonheur », « unité » et « harmonie » – des termes génériques souvent trouvé dans les documents politiques du Parti communiste.

La plupart des changements de nom de village ont eu lieu entre 2017 et 2019, au plus fort de la politique sécuritaire du gouvernement central au Xinjiang, selon le rapport.

Changement de nom, changement d’identité

James Leibold, expert de la politique ethnique de la Chine à l’Université La Trobe, a déclaré à ABC News que les changements étaient une réponse directe à l’appel du président chinois Xi Jinping à la « sinisation » des religions lors de la Conférence centrale du travail religieux de 2016.

« Cela a incité les responsables du PCC à ‘rectifier’ non seulement les noms de lieux mis en évidence dans le rapport de HRW, mais également les mosquées, les cimetières, les sanctuaires et d’autres parties du paysage sacré de la patrie ouïghoure et d’autres régions de Chine », a-t-il déclaré.

Pour ce dernier, « ce processus d’effacement culturel faisait également partie d’une répression plus large contre l’extrémisme religieux et le terrorisme perçus, qui a abouti à l’emprisonnement extrajudiciaire d’environ un million d’Ouïghours et d’autres minorités dans des camps de rééducation à travers le Xinjiang ».

D’ailleurs, d’autres changements apportés aux noms des villages du Xinjiang comprenaient la suppression des mentions religieuses, notamment des termes tels que « Hoja », titre pour un professeur religieux soufi, et « haniqa », un type d’édifice religieux soufi, ou des termes tels que « baxshi », un chaman.

De plus, les mentions à l’histoire ouïghoure ou aux dirigeants régionaux avant la création de la République populaire de Chine en 1949 ont également été supprimées, selon le rapport.

Le professeur James Leibold a indiqué que les noms de lieux sont « d’importants dépositaires de l’identité culturelle et historique ». Selon lui, « ils contribuent à relier les gens au paysage et, dans le cas de la patrie ouïghoure, ces noms de villages sont des symboles de l’identité ouïghoure, de la souveraineté et de la promesse [maintenant rompue] du PCC de permettre aux Ouïghours et aux autres nationalités minoritaires d’être maîtres de leur pays, propre maison ».

Une nouvelle politique depuis l’arrivée de Xi Jinping

Après des années de politique sécuritaire, le Parti communiste chinois tente de faire du Xinjiang une destination touristique importante. En 2023, le Xinjiang a accueilli un nombre record de 265 millions de visiteurs, soit une croissance de 117% sur un an. Ses revenus touristiques se sont élevés à 296,7 milliards de yuans, en hausse de 227%.

La modification des noms des villages reflète les efforts du gouvernement chinois visant à « effacer l’identité, la langue et la culture ouïghoures » et à les remplacer par les normes chinoises Han, a ajouté le professeur James Leibold.

« Sous Xi Jinping, le PCC a intensifié sa dépossession coloniale du Xinjiang et d’autres territoires frontaliers », ainsi le nom de la ville de Kashgar, qui signifie « lieu de pierres » en persan a été changé par le mot chinois « Kashi ».

« Ce grand centre culturel et architectural d’Altishahr [un nom historique pour le bassin du Tarim] devient une ville chinoise parmi d’autres », a-t-il déclaré. D’autant que ce mot persan original était également un lien avec l’histoire et l’identité ouïghoure, distincte de la Chine et de son occupation coloniale, a-t-il ajouté.

Un haut responsable déclare que la « sinisation » de l’islam est « inévitable »

Le plus haut responsable du Parti communiste du Xinjiang a déclaré en mars 2024 que la « sinisation » de l’islam dans la région autonome Ouighour, à majorité musulmane, est « inévitable ».

Depuis plusieurs années, la Chine est accusé de violations des droits de l’homme dans cette région. Pour Ma Xingrui, chef du PCC dans la région, « tout le monde sait que l’islam au Xinjiang doit être sinisé, c’est une tendance inévitable ». Ce dernier a fait cette déclaration lors d’un point de presse réalisé en marge des sessions parlementaires annuelles chinoises à Pékin.

Les groupes de défense des droits accusent Pékin d’abus généralisés à l’encontre des minorités ethniques de confessions musulmane, telles que les Hui, Kazhak, et les Ouïghours, qui compte environ 10 millions de personnes au Xinjiang, notamment en refusant aux Ouïghours la pleine liberté religieuse. Pékin nie vigoureusement tout abus.

Le président chinois Xi Jinping a appelé à plusieurs reprises à la « sinisation » des religions, notamment de l’islam, du bouddhisme et du christianisme, exhortant ses adeptes à promettre avant tout leur loyauté envers le Parti communiste. Environ les deux tiers des mosquées du Xinjiang ont été endommagées ou détruites depuis 2017, selon un rapport d’un groupe de réflexion australien.

Ma Xingrui, ancien gouverneur de la province du Guangdong, a été transféré au Xinjiang en 2021. Il a souligné la nécessité de « coordonner la sécurité et le développement ».

Les responsables chinois se concentrent sur le développement

Lui et d’autres responsables régionaux ont salué le développement économique du Xinjiang, et ont réfuté les allégations américaines de travail forcé et de génocide culturel. Ils ont aussi tenté de présenter la région comme ouverte au tourisme et aux investissements étrangers.

Faisant référence au « séparatisme ethnique, à l’extrémisme religieux et aux forces terroristes violentes » au Xinjiang, il a indiqué que « les trois forces sont toujours actives actuellement, mais nous ne pouvons pas avoir peur (de nous ouvrir) parce qu’elles existent ».

Pékin a lancé en 2017 de sévères mesures sécuritaires au Xinjiang après une vague de violences et de manifestations ethniques, qui ont vu plus d’un million de personnes issues de plusieurs minorités musulmanes détenues dans des camps de rééducation (ou centre de formation selon Pékin), ont affirmé des groupes de défense des droits, n’ayant pu se rendre sur les lieux.

« Nous avons mené une répression sévère contre les activités terroristes, promulgué et mis en œuvre des lois antiterroristes pour (…) combattre diverses formes de terrorisme », a déclaré Wang Mingshan, haut parlementaire du Xinjiang.

En 2023, le Xinjiang a reçu 565,7 milliards de yuans (78,5 milliards de dollars) de transferts du gouvernement central, représentant 72,7 % des dépenses du gouvernement local, ainsi que plus de 19 milliards de yuans (2,6 milliards de dollars) d’aide fiscale de la part d’autres provinces, a déclaré le président de la région, Erkin Tuniyaz.

Ma Xingrui été accompagné lors de ce point presse Tuniyaz et l’ancien président régional Shohrat Zakir, ces deux derniers ont été sanctionnés par les États-Unis pour violations des droits de l’homme dans le Xinjiang.

Les trois hommes ont affirmé que plus de 4 390 étrangers ont visité le Xinjiang en 2023 et que la capacité d’énergie renouvelable nouvellement installée l’année dernière s’élevait à 22,61 millions de kilowatts, ce qui porte le total installé dans la région à 64,4 millions de kilowatts, soit près de la moitié de la capacité électrique du Xinjiang.

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