vendredi, juin 14

La Chine face à de nombreux défis agricoles

La Chine, premier importateur mondial de produits agricoles, s’est fixé pour objectif de réduire considérablement sa dépendance à l’égard des achats à l’étranger d’ici 2034. Dans le cadre de ses efforts en faveur de la sécurité alimentaire, les experts estiment qu’il sera extrêmement difficile d’atteindre cet objectif.

La logistique agricole et industrielle de la Chine a enregistré une croissance stable en 2023, montrent les données de l’industrie. Selon la Fédération chinoise de la logistique et des achats, la valeur totale de la logistique des produits agricoles s’est élevée à 5.300 milliards de yuans (environ 745,69 milliards de dollars) en 2023, soit une augmentation de 4,1% en glissement annuel.

Celle des produits industriels a atteint 312.600 milliards de yuans, soit une hausse de 4,6% en glissement annuel, cette croissance étant supérieure d’un point de pourcentage à celle de 2022.

Cependant, les terres et l’eau sont de plus en plus limitées, la Chine devra augmenter la productivité agricole, grâce à la technologie et notamment l’intelligence artificielle. La Chine se penche notamment sur les cultures génétiquement modifiées, et étend les surfaces cultivées pour atteindre les objectifs fixés par Pékin pour les dix prochaines années.

Selon Kevin Chen, chercheur principal à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, basé à Washington, aux États-Unis, l’adoption de technologies et l’utilisation flexible d’outils politiques avaient stimulé la production alimentaire et contribué à construire un système d’approvisionnement alimentaire résilient face aux troubles qui affectent le système d’approvisionnement alimentaire mondial.

Selon un document publié fin avril, le gouvernement envisage une autosuffisance de 92% concernant les céréales de base et les haricots d’ici 2033, contre 84% entre 2021 et 2023, ce qui permettrait de se rapprocher de l’objectif du président Xi Jinping de devenir une « puissance agricole » d’ici le milieu du siècle.

La réduction des importations de la Chine aurait un impact négatif pour les producteurs, des États-Unis au Brésil et à l’Indonésie, qui ont augmenté leur capacité pour répondre à la demande des 1,4 milliard d’habitants de la Chine, le plus grand marché du monde pour le soja, la viande et les céréales.

D’ici à 2033, le ministère de l’agriculture prévoit une chute de 75% des importations de maïs, qui passeraient à 6,8 millions de tonnes, et une baisse de 60% des importations de blé, qui passeraient à 4,85 millions de tonnes.

Le soja représente le poste le plus important d’une facture d’importations agricoles s’élevant à 234 milliards de dollars en 2023, Pékin prévoit une baisse des importations de 21% en dix ans, pour atteindre 78,7 millions de tonnes. Ces objectifs vont à l’encontre des tendances des dix dernières années, au cours de laquelle les importations de céréales et d’oléagineux ont augmenté de 87%.

Darin Friedrichs, cofondateur de Sitonia Consulting, une société basée à Shanghai, a souligné qu’il faut « prévoir un renversement brutal qui ferait que dans dix ans, le pays importerait moins qu’aujourd’hui semble discutable ».

Selon cinq analystes et cadres de l’industrie, interrogées par l’agence de presse, Reuters, la Chine aura du mal à atteindre ses objectifs, principalement en raison d’un manque de terres et d’eau.

Pour le ministère américain de l’agriculture (USDA), les importations de maïs de la Chine en 2033/34 correspondront à peu près aux niveaux actuels et les importations de blé diminueront de 20%. L’écart le plus important concerne les importations de soja, qui devraient augmenter de 39% selon l’USDA.

Le ministère américain s’attend également à ce que la croissance de la demande d’aliments pour animaux, l’un des principaux utilisateurs de soja et de maïs, dépasse l’augmentation de la production nationale de maïs et stimule les importations de sorgho et d’orge.

La Chine renforce sa sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire est depuis longtemps une priorité pour la Chine, qui a un passé douloureux de famine et doit nourrir près de 20% de la population mondiale avec moins de 9% de ses terres arables et 6% de ses ressources en eau.

En avril 2024, les membres du Comité national de la Conférence consultative politique du Peuple chinois (CCPPC) ont tenu une session de consultation bihebdomadaire pour discuter de la consolidation des fondements de la sécurité alimentaire.

A cette occasion, Wang Huning, président du Comité national du CCPPCC, a appelé les conseillers politiques à « se concentrer sur les problèmes et les tendances à long terme, ainsi que sur les défis auxquels sont confrontés les agriculteurs et les principales régions productrices de céréales, et à présenter des suggestions ciblées et efficaces basées sur la recherche ».

D’autant plus qu’il est devenu urgent de réduire la dépendance à l’égard des importations s’est accrue après que la Chine a été confronté à des perturbations de la chaîne d’approvisionnement lors de la pandémie de grippe aviaire et du conflit russo-ukrainien.

Une guerre commerciale avec les États-Unis, son deuxième fournisseur de produits agricoles après le Brésil, et des chocs climatiques tels que les fortes pluies en 2023 ayant endommagé la récolte de blé de la Chine, ont ajouté aux défis.

Le 1er juin, la Chine va mettre en œuvre une loi sur la sécurité alimentaire qui prévoit une autosuffisance absolue en céréales de base et exige des gouvernements locaux qu’ils intègrent la sécurité alimentaire dans leurs plans économiques et de développement.

Cette mesure s’ajoutera à d’autres efforts visant à soutenir la production alimentaire, notamment l’augmentation de la couverture d’assurance des céréales pour les agriculteurs afin de protéger leurs revenus, annoncée cette semaine.

En avril, la Chine a lancé une campagne visant à augmenter la production de céréales d’au moins 50 millions de tonnes d’ici à 2030, en mettant l’accent sur l’amélioration des terres agricoles et sur les investissements dans la technologie des semences, afin d’améliorer le rendement et la qualité des cultures.

Problèmes de terre

La Chine a augmenté sa production de maïs, de soja, de pommes de terre et d’oléagineux en 2023, après avoir étendu les plantations sur des terres auparavant non cultivées et encouragé les agriculteurs à passer des cultures de rapport aux cultures de base.

De plus, les terres autrefois stériles se transforment progressivement en terres cultivables grâce à la salinité et l’alcalinité de la couche superficielle du sol dans les zones arides. A cela s’ajoute, la production de riz hybride et de riz de mer, l’instauration de l’aquaculture dans les zones humides, etc.

Toutefois, même si la Chine, deuxième producteur mondial de maïs, a récolté une quantité record de maïs, il n’en reste pas moins que la production a augmenté. Cependant, même si la Chine a récolté un record de 288,84 millions de tonnes métriques en 2023, les importations ont augmenté pour atteindre un niveau presque record de 27,1 millions de tonnes, en raison de la préférence des négociants pour le maïs d’outre-mer, de meilleure qualité et moins cher.

La croissance de la production fait face à une insuffisance des terres arables, de la petite échelle de production et du manque d’agriculteurs et de technologies agricoles, ont rapporté les médias chinois.

Les terres arables par habitant représentent en Chine moins d’un tiers de celles du Brésil et un sixième de celles des États-Unis, selon des données de la Banque mondiale datant de 2021.

La dégradation et la pollution des sols en Chine, où une grande partie des terres sont des montagnes rocheuses ou des déserts, laissent peu de place à l’expansion.

Le gouvernement appelle de plus en plus à la protection de ses terres noires fertiles, et doit achever une étude quadriennale des sols en 2025. La dernière étude, réalisée en 2014, a révélé que 40% des terres arables étaient dégradées en raison de l’utilisation excessive de produits chimiques et de la contamination par les métaux lourds.

Pour compenser, la Chine consacre des millions de dollars à la recherche de cultures gourmandes en eau, comme le riz, dans les déserts de Mongolie intérieure et du Xinjiang. Mais aussi ds cultures plus propices dans des zone humides.

Ainsi les scientifiques sont en train de transformer le sable en terre et de sélectionner des cultures tolérantes à la salinité. La Chine vise à développer davantage de terres agricoles. Toutefois, cette stratégie demande du temps et d’importants investissements dans les engrais, l’irrigation et la biotechnologie.

Parmi les obstacles constatés en Chine: la prédominance de petites exploitations, gérées par des propriétaires âgés qui n’ont pas toujours les moyens d’acheter ou d’utiliser des machines sophistiquées, comme des drones pulvérisateurs, des semences plus productives et des technologies, telles que le big data et l’IA.

Les exploitations agricoles en Chine ont une superficie moyenne de 0,65 hectare, contre 187 hectares aux États-Unis et 60 hectares en Allemagne. La Chine s’oriente donc progressivement vers une consolidation de ses exploitations agricoles fragmentées.

La Chine adopte assez lentement les cultures génétiquement modifiées, approuvant par exemple au cours de cette année 2024 la plantation de variétés de maïs et de soja à plus haut rendement et résistantes aux insectes. De plus, le blé génétiquement modifié résiste aux maladies, laisser présager une accélération de la croissance de la production.

Mais les analystes ne croient pas en la réduction des importations de soja, prévue par le gouvernement car « au mieux, la Chine pourrait réduire sa dépendance à l’égard des importations de soja à 70%, contre plus de 80% actuellement », a déclaré Carl Pray, professeur d’agriculture à l’université Rutgers aux États-Unis.

La quasi-totalité du soja chinois est constituée de variétés à haute teneur en protéines pour la production de tofu. Pour remplacer les importations, il faudrait développer rapidement la production de variétés à haute teneur en huile pour l’huile de cuisson. Cette éventualité apparaît pour certains experts difficile à réaliser, même avec de la recherche. « Pour produire suffisamment de soja afin de remplacer les importations brésiliennes et américaines, il n’y a tout simplement pas assez de terres », a estimé le professeur.

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