vendredi, septembre 20

La perception de Fabrice ONANA NTSA du discours de Xi Jinping au FOCAC 2024

Par Fabrice ONANA NTSA / PhD – La 9éme conférence ministérielle couplée au 4éme sommet du Forum sur la Coopération Sino-Africaine dans la capitale chinoise ont été marqués par le discours du Président de la République Populaire de Chine, Secrétaire Général du Parti Communiste Chinois le 5 septembre dernier dans le grand palais du peuple. Au regard du contexte dans lequel se tenait ce FOCAC (Forum On China Africa Cooperation), le discours de Xi Jinping était très attendu, et il faut le dire d’emblée, on en ressort satisfait au moins pour 4 raisons.

1-un discours de clarification

Avant le FOCAC 2024, les milieux africains étaient inquiets pour un certain nombre de raisons concernant la relation sino-africaine au rang desquelles la chute drastique des investissements financiers chinois en Afrique. En guise d’illustration, les prêts chinois à l’Afrique qui s’élevaient à 30 milliards de dollars en 2016, étaient estimés en 2023 à 2,2 milliards de dollars. On pensait alors que la « Small and Beautiful Initiative » sonnait le glas des gros investissements chinois sur le continent. A écouter le Président Xi Jinping, il n’en est rien. Les grands projets infrastructurels vont se poursuivre pendant les 3 prochaines années comme il l’a annoncé au niveau de la quatrième action relative au partenariat en matière de connectivité dans lequel il a promis 30 projets d’infrastructures d’interconnexion en Afrique. Il s’agit évidemment des routes, autoroutes, ponts, ports etc. Par ailleurs, les projets petits mais beaux ne seront pas délaissés. Au contraire, ils seront davantage implémentés sur le continent et l’on comprend à ce sujet que les uns n’arrêteront pas forcement les autres. Cette clarification a donc été faite et a renforcé la certitude que la Chine reste aux côtés de l’Afrique pour son développement.

2- un discours programme

De par son contenu, on peut dire que le discours du Président Xi se présente comme un plan Marshall, mieux, le Plan Xi pour l’Afrique pour les 3 années à venir. Il s’est agi pour le Président chinois de proposer des mesures pragmatiques pour soutenir la construction de l’Afrique dans pratiquement tous les domaines : santé, environnement, énergie, infrastructures, gouvernance, technologies numérique, agriculture, sécurité entre autres. « Sans la modernisation en Chine et en Afrique, il n’y aura pas de modernisation dans le monde ». Ces mots du numéro un chinois renseignent suffisamment sur le fait que son discours qui va certainement entrer dans les annales de l’histoire sino-africaine est un programme pour la modernisation de l’Afrique. La construction d’une plateforme d’échanges d’expériences en matière de gouvernance, le renforcement du processus d’ouverture du marché chinois, la mise en place du programme d’autonomisation des petites et moyennes entreprises africaines, la création des centres de coopération sino-africaines en matière de technologie numérique, l’alliance hospitalière sino-africaine ou encore la construction de 10 ateliers Luban, irriguent convenablement ce point de vue.

3- un discours d’espoir

Dans ses turpitudes de luttes indépendantistes hier et de luttes contre la pauvreté et le sous-développement aujourd’hui, la Chine, aux côtés de l’Afrique, s’est toujours présentée comme un compagnon de route, porteur d’un réel espoir. Ce discours du 5 septembre dernier n’a pas dérogé à cette habitude. Il a été un discours d’espoir d’une Afrique dans un monde multipolaire et dangereux, l’espoir d’une Afrique qui abrite les populations les plus pauvres de la planète, l’espoir d’un continent pris en otage par les maladies, la pauvreté, la famine et le dérèglement climatique ; l’espoir enfin d’un peuple qui veut avoir son mot à dire dans le monde de demain. Ainsi, les 10 actions de partenariat proposées par l’homme fort de Beijing ainsi que la clarification des sources de financement de ces différents projets constituent cet espoir d’une Afrique à renaitre absolument, à condition bien sûr que les africains eux-mêmes sachent et puissent jouer leur rôle, évitant ainsi d’être absents à ce grand rendez-vous de construction et de mutations qui restera sclérosé sans leur propre engagement.

4- un discours de développement partagé, sécurisé, harmonieux, au service de la modernisation du Sud Global

La tentative d’une analyse géopolitique et géostratégique du discours du Président Xi permet en définitive de relever au moins trois points :

D’abord, dans un monde et une scène internationale minés par l’intolérance, l’égoïsme, l’individualisme, la violence et la volonté des uns d’imposer certaines pratiques contre nature aux autres, le président chinois suggère la préservation des valeurs humaines. Elles sont évidemment universelles et correspondent à tous les espaces et à tous les peuples du monde : la paix, l’harmonie, l’amitié, le développement etc.

Ensuite, ce discours s’inscrit dans le processus de fragilisation du Nord dans une Afrique qui semble avoir fait son choix. La solide fraternité sino-africaine dans la dialectique de Centre – Périphérie constitue bien une moins bonne nouvelle pour les grandes capitales occidentales.

Enfin, il s’agit évidemment d’un plaidoyer pragmatique pour le développement de l’Afrique. Pendant que les autres ont souvent procédé à un type d’aide et par des projets à doses homéopathiques et toujours sous conditions, la Chine Populaire, comme toujours, a décidé cette fois-ci encore d’être efficace en vue de l’éveil d’une Afrique dont elle a besoin et dont elle est proche historiquement, idéologiquement et sentimentalement. Étant donné qu’aucun développement n’est possible dans l’insécurité, le Président Xi promet un développement partagé, sécurisé, harmonieux au service de la modernisation du Sud Global et du monde. On peut ainsi penser comme le professeur Nkolo Foé que le Sud Global est le nouveau cadre géostratégique post occidental mis en place pour accélérer la modernisation des pays en développement.

Pour finir, au regard des annonces issues de ce grand rendez-vous multilatéral sino-africain, il est clair que la relation sino-africaine sort renforcer après le FOCAC 2024. On peut bien entrevoir de beaux jours de cette ancienne et sincère amitié.

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