
Portée par un rebond des exportations, la croissance de la Chine de 5,4% au premier trimestre 2025 lui permet de souffler après des temps difficiles. Cependant, certains analystes attestent que de fortes turbulences économiques sont annoncées avec les premiers effets des surtaxes douanières du président américain, Donald Trump.
Pour certains économistes, il s’agit donc d’une croissance chinoise en trompe-l’œil, car les entreprises (exportateurs côté chinois et importateurs côté américain) se seraient dépêchées d’envoyer et recevoir des marchandises avant l’entrée de vigueur des surtaxes prohibitives sur les biens chinois.
Certes, les mesures prises par le gouvernement chinois pour stimuler la consommation des ménages, faible depuis la pandémie, ont également contribué aux bons chiffres économiques du premier trimestre. Mais les prochains chiffres devraient pencher.
« Il est trop tôt pour voir dans ces bons résultats le signe d’un redressement durable du marché« , a indiqué à l’Agence France Presse, Yue Su, analyste du cabinet Economist Intelligence Unit (EIU). Selon elle, « cette performance s’explique surtout par des exportations anticipées avant les nouvelles surtaxes, ainsi que par un rebond de la consommation lié aux mesures gouvernementales – notamment dans l’électronique et l’électroménager ».
Donald Trump a imposé des surtaxes douanières allant jusqu’à 145% sur une grande quantité de produits chinois. La Chine a répliqué avec des droits de douane de rétorsion de 125% sur les marchandises américaines importées.
La Chine, cible des Etats-Unis
La présidence américaine a déclaré que la balle était désormais « dans le camp de la Chine ». Mais Pékin, tout en appelant Washington au « respect », a répondu n’avoir « pas peur » de poursuivre la guerre commerciale, qui montre peu de signes d’apaisement.
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Cette position combative de la Chine, cache selon certains économistes une inquiétude bien réelle vis-à-vis de l’impact des droits de douane américains, car l’économie chinoise est très dépendante des exportations.
La Chine est la troisième destination des États-Unis à l’export, avec 154 milliards de dollars de biens écoulés en 2023, derrière le Canada et le Mexique, selon l’Observatoire de la complexité économique (OEC).
Les surtaxes déclenchée en avril par Donald Trump « se répercutera dans les chiffres du deuxième trimestre: les entreprises américaines chercheront d’autres fournisseurs, ce qui pénalisera les exportations chinoises », a déclaré Heron Lim, analyste chez Moody’s Analytics. « Les fabricants d’électronique et les exportateurs seront les plus touchés », souligne-t-il.
Louise Loo, analyste du cabinet Oxford Economics, a aussi alerté sur « l’amélioration de la dynamique de croissance (qui, ndlr) risque fort d’être interrompue dans les prochains mois par les effets contraires produits par ces droits de douane punitifs ».
La Chine a reconnu le 23 avril que l’environnement économique mondial devenait « plus complexe et plus difficile » et que les surtaxes douanières américaines exerçaient une « pression » sur son économie.
Le gouvernement avait lancé en 2024 une série de mesures volontaristes pour tenter de relancer l’économie, via une baisse des taux d’intérêt, la levée de restrictions sur les achats de logements ou encore un soutien renforcé aux marchés financiers.
Stimuler la consommation intérieure
Avec la guerre commerciale avec Washington, potentiellement dévastatrice, les analystes s’accordent à dire que Pékin pourrait se sentir contraint d’en faire plus pour stimuler la consommation intérieure et protéger l’économie des surtaxes américaines.
La crise de la dette dans le secteur immobilier – un frein persistant à la confiance des consommateurs – reste un handicap majeur pour l’économie. « Offrir une bouée de sauvetage à l’économie nationale est aujourd’hui plus important que jamais », a affirmé Sarah Tan, économiste chez Moody’s Analytics.
Selon cette dernière, « l’effondrement du marché immobilier reste la préoccupation numéro un » des Chinois, car l’achat d’un logement est souvent réalisé avec les économies d’une vie. « Combiné à un marché du travail encore fragile, cette chute « incite les ménages à privilégier l’épargne plutôt que la consommation », a souligné Sarah Tan.
A l’heure actuelle, les économistes se demandent sous quelle forme pourrait prendre les nouvelles mesures des autorités chinoises. « Nous continuons de tabler sur un plan de relance de 2.000 milliards de dollars, axé sur la consommation, les infrastructures, la rénovation urbaine et la réhabilitation des quartiers insalubres », a déclaré Yue Su, de l’Economist Intelligence Unit.