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Les engagements financiers du sommet du FOCAC : la question des 50,7 milliards de dollars

Par le Dr Isaac Ankrah – Imaginez une vaste plaine ensoleillée en Afrique de l’Est, où des panneaux solaires récemment installés brillent à l’horizon. À proximité, de jeunes techniciens, formés quelques mois auparavant, peaufinent une station de recharge pour véhicules électriques, tandis que non loin, un hub numérique bourdonne d’activité alors que les entrepreneurs locaux se connectent aux marchés mondiaux grâce aux nouveaux réseaux 5G. Cette scène, bien que peut-être futuriste, offre un aperçu de la transformation qui se dessine actuellement en Afrique, catalysée par le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) de 2024.

Un développement frappant qui émerge du FOCAC 2024 est l’engagement de la Chine à verser 50,7 milliards de dollars à l’Afrique au cours des trois prochaines années. Bien qu’impressionnant par sa portée, cet engagement soulève des questions sur les intentions et la direction. S’agit-il en particulier d’un recul par rapport à la grandeur des sommets précédents ou d’une démarche délibérée vers un développement plus impactant ?

Suivre l’argent : évolution des engagements financiers

Depuis la création du FOCAC en 2000, les engagements financiers envers l’Afrique ont suivi une trajectoire ascendante (voir graphique). Partant d’un modeste 1 milliard de dollars en 2000, les chiffres ont grimpé à 60 milliards de dollars en 2015 et 2018, alimentant des projets d’infrastructures transformateurs tels que des chemins de fer, des ports et des autoroutes qui ont redéfini le paysage économique de l’Afrique.

L’engagement de 50,7 milliards de dollars pour 2024 semble modeste par rapport à ces sommets. Pourtant, il ne s’agit pas en réalité de réduire les dépenses. Il s’agit plutôt de se concentrer sur des projets localisés qui répondent directement aux besoins des Africains.

Tendance des engagements financiers de la Chine lors des sommets du FOCAC

L’époque où les projecteurs étaient braqués uniquement sur les projets à grande échelle est révolue. Ce phénomène de transition témoigne d’une meilleure compréhension des besoins changeants de l’Afrique et reflète l’annonce par le président Xi Jinping de 1000 projets « petits mais beaux », une stratégie qui met l’accent sur des projets plus petits et plus ciblés adaptés aux communautés locales et aux secteurs essentiels au développement durable.

À noter : la finance verte et la connectivité numérique

Une part importante du programme financier vise à soutenir le développement vert, reflétant l’ambition d’aider l’Afrique à s’industrialiser sans compromettre la durabilité environnementale. Les principaux investissements se concentrent sur les énergies renouvelables, les initiatives d’économie circulaire et les transferts de technologies vertes.

Il convient de noter que le programme comprend également des plans visant à lancer 30 projets d’énergie propre et à promouvoir les véhicules électriques, l’énergie solaire et d’autres technologies, qui devraient tous façonner l’avenir du paysage industriel de l’Afrique tout en favorisant sa transition verte. Prenons l’Éthiopie comme exemple. Avec le soutien de la Chine, le pays a déjà commencé sa transition vers une fabrication plus verte, en lançant son premier parc industriel respectueux de l’environnement en 2023, entièrement alimenté par des énergies renouvelables.

L’engagement du FOCAC 2024, en renforçant la finance verte, peut reproduire ces modèles sur tout le continent, contribuant ainsi à la création d’emplois et à une croissance économique durable. En plus de la finance verte, il faut investir dans la formation professionnelle et le développement des compétences numériques. L’objectif est de doter la population croissante de jeunes africains des compétences nécessaires pour être compétitifs sur le marché mondial. L’une des pièces maîtresses de cette nouvelle approche est la création de 20 projets d’infrastructures numériques, notamment des réseaux 5G et des plateformes de commerce électronique, soulignant l’engagement à construire une Afrique moderne, à la fois connectée numériquement et économiquement résiliente.

S’attaquer à l’incertitude de la viabilité financière

Alors que le sommet du FOCAC 2024 a présenté des projets ambitieux, le scepticisme persiste quant à la durabilité des engagements financiers de la Chine envers l’Afrique. Les critiques ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’augmentation de la dette de l’Afrique envers les prêteurs chinois. Selon un rapport de la Banque mondiale de 2023, près de 21% de la dette extérieure totale de l’Afrique est due à la Chine, ce qui soulève des questions quant à savoir si des engagements financiers supplémentaires vont aggraver la dette déjà lourde du continent.

Cependant, de plus en plus d’éléments montrent que l’Afrique et la Chine sont en train de repenser leur approche du financement du développement. Au cours du sommet, la Chine a souligné qu’une grande partie de la somme promise de 50,7 milliards de dollars serait versée sous forme de dons et de prêts concessionnels, plutôt que de dettes à taux d’intérêt élevé1.

En outre, l’accent a été mis sur les mécanismes de restructuration de la dette, la Chine proposant de renégocier les prêts existants pour les pays qui ont du mal à honorer leurs obligations de remboursement. Ces mesures reflètent une approche plus prudente et pragmatique du financement du développement, qui cherche à alléger plutôt qu’à aggraver les problèmes d’endettement de l’Afrique.

L’Afrique en pleine croissance et une nouvelle ère de relations avec la Chine

Au-delà des engagements financiers, le sommet du FOCAC 2024 a également suscité des discussions sur le rôle croissant de l’Afrique dans ses relations avec la Chine. Contrairement aux sommets précédents où la Chine avait pris l’initiative de définir l’ordre du jour, le forum de cette année a connu une dynamique plus équilibrée, les dirigeants africains réclamant un plus grand contrôle sur la manière dont les investissements sont alloués et utilisés.

De nombreux pays africains accordent désormais la priorité à des projets qui correspondent à leurs objectifs de développement nationaux, tels que la stimulation de la fabrication locale, l’amélioration de la sécurité alimentaire et la lutte contre le chômage des jeunes. Le Ghana, par exemple, a négocié avec succès un partenariat avec la Chine pour investir dans son secteur agricole, en particulier dans les initiatives de transformation agroalimentaire et de sécurité alimentaire.

Cette dynamique en évolution souligne également la reconnaissance par la Chine du fait que l’Afrique n’est pas un monolithe et que ses besoins de développement varient selon les régions. Dans un geste sans précédent, les ambassades chinoises ont réuni des groupes de réflexion et des experts sélectionnés dans leurs pays respectifs avant le FOCAC 2024 pour recueillir des idées et discuter de stratégies adaptées3.

Cela en dit long sur la profondeur de l’engagement de la Chine à comprendre les besoins uniques de chaque pays africain, en veillant à ce que ses investissements soient non seulement bien intentionnés mais bien informés. De telles discussions mettent en évidence l’approche nuancée et réfléchie adoptée par la Chine, qui reconnaît que les solutions universelles appartiennent au passé.

Conclusion

En effet, le sommet du FOCAC 2024 reflète un nouveau chapitre dans les relations entre l’Afrique et la Chine. L’engagement de 50,7 milliards de dollars de la Chine n’est pas simplement un montant en dollars, mais un engagement stratégique visant à redéfinir la collaboration sino-africaine.

Il pose une question cruciale : comment rendre le développement non seulement visible, mais aussi inclusif et transformateur ? En canalisant des fonds vers les énergies renouvelables, la numérisation et le développement des compétences, la Chine a montré qu’elle accordait plus d’importance à la résilience et à l’autonomie futures des nations africaines qu’à la grandeur immédiate.

En cas de succès, les projets issus du FOCAC 2024 pourraient servir de modèle de développement dans les pays du Sud, en combinant aide financière, transfert de technologie, renforcement des capacités locales et durabilité. L’accent mis sur des projets plus modestes et axés sur la communauté pourrait bien répondre à la question des 50,7 milliards de dollars : l’ère de la coopération transformatrice et axée sur les personnes entre la Chine et l’Afrique a commencé.

Dr. Isaac Ankrah
Chercheur principal, Centre Afrique-Chine pour les politiques et le conseil.
Maître de conférences, Université des technologies de la communication du Ghana.

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