lundi, janvier 6

Traiter avec la Chine en Afrique : idées fausses : pourquoi la Chine ne prendra pas le contrôle des actifs d’aucun pays.

Dans les relations sino-africaines, bien que des préoccupations légitimes existent en matière de transparence et de durabilité, il est essentiel de distinguer les faits de la fiction. Les allégations selon lesquelles la Chine est engagée dans une stratégie secrète pour «prendre le contrôle» des ressources africaines reposent souvent sur des interprétations erronées ou des exemples sélectifs qui ne reflètent pas la réalité plus large des relations sino-africaines.

Un examen plus approfondi des données, des accords existants et du contexte économique mondial plus large permet une compréhension plus équilibrée.

Développement axé sur la dette ou confiscation des ressources

L’une des idées fausses qui perdure dans les relations sino-africaines est la question du piège de la dette. Il est vrai que certains pays africains ont emprunté massivement à la Chine pour le développement d’infrastructures essentielles, mais les accords de prêt ne contiennent généralement pas de clauses permettant la saisie d’actifs. La plupart des prêts de la Chine à l’Afrique sont structurés avec des conditions flexibles, permettant souvent une renégociation ou un report. En Zambie, par exemple, où la dette est un problème majeur, la Chine a différé les paiements à plusieurs reprises sans saisir les mines de cuivre ou d’autres actifs. Le gouvernement ougandais et les prêteurs chinois ont également rejeté les allégations selon lesquelles l’aéroport d’Entebbe aurait été saisi par des Chinois.

Des recherches montrent que la Chine a restructuré, rééchelonné ou annulé environ 10 milliards de dollars de dettes sur le continent au cours des deux dernières décennies. Par exemple, pendant la pandémie de COVID-19, la Chine a annulé les prêts sans intérêt de plusieurs pays africains, faisant preuve de flexibilité plutôt que de tactiques agressives de recouvrement de créances. Malgré ces faits et ces analyses, les inquiétudes concernant le piège de la dette chinoise continuent de circuler dans les médias.

L’Afrique est un acteur actif dans les relations sino-africaines

L’Afrique n’est pas un acteur passif dans ses relations avec la Chine. De nombreux dirigeants africains négocient et renégocient activement les conditions pour s’assurer que les intérêts de leur pays sont protégés. Prenons l’exemple du chemin de fer à écartement standard du Kenya : le projet, initialement financé par la Chine, est géré par les autorités kenyanes et se déroule sous la surveillance du gouvernement. Ces projets sont le résultat d’accords mutuels dans lesquels les gouvernements africains ont la propriété de la mise en œuvre et de la gestion, ce qui rend le concept de «prise de contrôle» difficile, voire impossible.

En outre, l’Union africaine et les pays individuels ont de plus en plus recours à des garanties contractuelles standardisées et à des audits indépendants. La Banque africaine de développement et d’autres institutions jouent également un rôle dans le contrôle des conditions des projets financés par la Chine, aidant les pays africains à conserver leur autonomie sur les actifs et les projets.

L’expression «diplomatie du piège de la dette» est devenue un mot à la mode, suggérant que la Chine prête de l’argent à des pays dans l’intention de saisir des actifs en cas de défaut de paiement. Cependant, les universitaires et les institutions ont trouvé peu de preuves pour étayer cette théorie. Sur plus de 1000 accords de prêt chinois examinés, un seul cas concernait un transfert d’actifs (le port de Hambantota au Sri Lanka), qui n’est même pas un échange de créances contre des capitaux propres mais un bail du gouvernement sri-lankais pour aider à améliorer «l’excédent primaire et renforcer la position de réserve de devises étrangères», comme l’a déclaré l’ancien président Ranil Wickremesinghe. Il ne s’agit pas d’une stratégie systématique mais plutôt d’un incident spécifique et isolé.

La Chine en Afrique

Le rôle de la Chine en tant que créancier de l’Afrique n’est pas aussi prédominant qu’on le pense. Selon la Banque mondiale, la dette de l’Afrique envers la Chine ne représente qu’environ 12% de la dette extérieure totale du continent. Des institutions comme le FMI et les créanciers privés occidentaux détiennent des parts beaucoup plus importantes, mais c’est souvent la Chine qui est accusée du fort endettement de l’Afrique. En outre, les initiatives multilatérales d’allègement de la dette, comme l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) menée par le G20 pendant la pandémie, montrent que la Chine est disposée à travailler avec des partenaires mondiaux pour restructurer et alléger la dette. Dans le cadre de ces initiatives, la Chine a différé le plus grand montant de remboursement de la dette de tous les pays du G20, en suspendant 1,35 milliard de dollars de remboursement de la dette pour 23 pays ISSD.

L’engagement de la Chine en Afrique va au-delà des prêts. La Chine a massivement investi dans des projets d’infrastructure qui favorisent le développement à long terme. Des routes, des chemins de fer, des ports et des installations énergétiques ont été construits sur tout le continent, contribuant à améliorer la connectivité et la croissance économique. L’Accord de libre-échange continental africain (AfCFTA) bénéficie énormément de ces avancées infrastructurelles, en stimulant le commerce intra-africain qui n’était pas si important au départ en raison d’infrastructures inadéquates.

L’initiative chinoise Belt and Road (BRI), par exemple, a conduit à des investissements dans toute l’Afrique qui favorisent l’intégration régionale. Des projets comme le chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti en Éthiopie sont des corridors commerciaux essentiels et sont détenus conjointement par les gouvernements africains. Au Nigéria, les chemins de fer construits par la Chine ont réduit le temps de trajet entre les principales villes, stimulant le commerce et réduisant les coûts de transport pour les entreprises locales.

Lorsqu’il s’agit de répondre aux préoccupations environnementales et sociales, il est indéniable que des préoccupations environnementales et sociales se posent dans des secteurs comme l’exploitation minière, où des entreprises et des particuliers chinois sont présents. Cependant, les activités illégales d’entreprises et d’individus malhonnêtes ne doivent pas être confondues avec les intentions de l’État chinois. Par exemple, l’exploitation minière illégale d’or ou «galamsey» au Ghana, bien qu’impliquant certains ressortissants chinois, est en grande partie perpétuée par des acteurs locaux. Selon des estimations internes prudentes, le nombre de personnes impliquées dans toute la chaîne de l’exploitation minière illégale, directement ou indirectement, dépasserait un million, alors que les Chinois ne sont que quelques centaines de milliers au total, ce qui ne constitue guère un bouc émissaire plausible pour l’exploitation minière illégale. Cela met en évidence des problèmes de gouvernance plus vastes plutôt qu’une prise de contrôle orchestrée. L’exploitation minière illégale au Ghana est un problème complexe impliquant de nombreux acteurs locaux, souvent avec une complicité locale importante. Certains citoyens et entreprises ghanéens participent activement ou facilitent les opérations minières illégales, y voyant un moyen de répondre à la demande d’or et de créer des emplois dans des zones où les opportunités économiques sont limitées.

Cette dynamique suggère que le problème n’est pas uniquement motivé par des acteurs étrangers, mais plutôt enraciné dans des défis locaux qui nécessitent une surveillance réglementaire plus forte et des alternatives économiques. Reconnaissant la nécessité d’une exploitation minière responsable, la Chine a de plus en plus soutenu des pratiques respectueuses de l’environnement. Le gouvernement chinois a récemment mis en œuvre des politiques pour garantir que ses entreprises respectent les lois locales et les normes internationales, tant sur le plan national qu’international, de sorte que l’exploitation minière illégale au Ghana ne peut être attribuée à la Chine ou à des acteurs étrangers.

Conclusion

La relation de l’Afrique avec la Chine présente des complexités qui ne peuvent être réduites à un récit d’exploitation ou de prise de contrôle. Si les préoccupations concernant la gouvernance, la transparence et la dette sont légitimes, nombre de ces défis sont également évidents dans les relations de l’Afrique avec d’autres puissances mondiales. La Chine a toujours montré sa volonté de négocier un allègement de la dette, de soutenir la croissance des infrastructures et a démontré que son approche est celle d’un partenariat plutôt que d’une soumission.

La voie à suivre consiste à créer des cadres de coopération solides qui reflètent les aspirations et la capacité d’action de l’Afrique dans un monde globalisé. Alors que le débat sur les menaces posées par les prêts chinois se poursuit, il serait plus bénéfique que nous nous préoccupions moins des saisies d’actifs et davantage de la responsabilité de nos propres dirigeants et des conséquences économiques d’emprunts irresponsables. Les créanciers devraient eux aussi adopter une approche équilibrée, souple mais ferme pour éviter d’encourager l’irresponsabilité budgétaire.

Paul Frimpong, Fondateur et directeur exécutif du Centre Afrique-Chine pour les politiques et le conseil. Et Mercy Tedeku, Chercheuse associée au Centre Afrique-Chine pour les politiques et le conseil. Le Centre Afrique-Chine pour les politiques et le conseil est un groupe de réflexion et de conseil sino-africain sur la recherche et les politiques, dont le siège est à Accra, au Ghana.

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